Les Rochilles, et ainsi naît une rivière

Aux confins des vallées de la Clarée et de la Maurienne, le seuil des Rochilles faisait autrefois office de frontière entre les Etats sardes et le Royaume de France, en témoigne la borne n°92 arborant fièrement la croix de Savoie d’un côté et la fleur de lys de l’autre. Aujourd’hui, il est un lieu prisé des randonneurs, offrant au regard des marcheurs un sublime panorama et trois jolis lacs de montagne. Une balade peu technique et peu physique, avec un dénivelé relativement doux au départ du chalet de Laval, côté Névache.

Chalets de Laval, un peu trop tard du matin (on n’est pas lève-tôt, même pour la rando 😊). La navette qui dessert la haute vallée de la Clarée nous dépose sur un petit parking vide. En été, la commune de Névache a pris le taureau de la surfréquentation par les cornes et a décidé de fermer la route à la circulation histoire de foutre un peu la paix à la biodiversité locale. C’est bien, ça filtre.

Nous voilà parties sur un large chemin en pente douce. Pas un nuage à l’horizon, la journée nous offre un ciel bleu profond qu’on ne trouve qu’ici. La Clarée est là, un peu en contrebas. Trop loin pour qu’on entende le blop blop de l’eau courante, mais elle est là. La sévère silhouette dolomitique de la Main de Crépin semble surveiller la haute vallée et ses ouailles. Le silence qui nous enveloppe ne sera perturbé que par les sifflements des marmottes et par la conversation volubile d’un jeune italien avec sa mère. Finalement on se fera semer par le duo bavard à force de tenter d’observer la colonie de rongeurs débonnaires qui se prélassait au soleil, et c’est pas plus mal.

On arrive assez vite au niveau du refuge des Drayères, où nos congénères s’emploient eux aussi à ne rien faire d’autre que de profiter du soleil. Nous on continue, on a prévu le sandwich ! Le chemin devient sentier, les arbres disparaissent ; enfin l’étage alpin ! A part un berger déjà bien haut dans la montagne qui menait ses brebis vers les verts alpages, les gens avaient disparu de notre champ de vision. On est loin de s’imaginer ce qui nous attend après le Seuil !

Sans crier gare, le paysage s’était mis à changer. Un vert devenu plus profond et l’apparition des linaigrettes annonçaient une zone humide. Je ne sais pas si tu le sais, mais c’est beau, une linaigrette ! Enfin moi j’adore ! Bref, en plus de la végétation, une nouvelle couleur avait rejoint la partie. Au milieu des tourbières, l’eau s’était teintée de sang. Une eau ferrugineuse qui contraste avec la limpidité légendaire de la Clarée, qui lui donne son nom. Une dernière montée et, derrière un ultime rocher, le lac de la Clarée se dévoile. Ici, on l’appelle « la Mère de l’eau », parce que c’est là que naît la Clarée, et je trouve ça magnifique. On retrouve enfin une trace humaine, des randonneurs et randonneuses qui évidemment étaient partis plus tôt et profitaient du paysage avant la descente. Tous avaient choisi le même endroit que nous pour la pause repas.

Il faut que je t’avoue un truc. On a dépassé les bornes ! Enfin LA borne. La borne 92, qui marquait autrefois la frontière entre les Etats sardes et le Royaume de France, est toujours là, au seuil des Rochilles, arborant fleur de lys et croix de Savoie. Nous voilà donc passées en Maurienne sans grand effort, vu le faible dénivelé entre le lac de la Clarée et le seuil des Rochilles. Fini la tranquillité haut-alpine, côte Savoie, il y a foule ! Des familles, des enfants, des ânes… on croisera même des militaires à l’entraînement ! Tout ça nous disperse un peu de ce qu’on était venues voir : les lacs. On passera respectivement le long du lac Rond – et ses linaigrettes – et du lac du Grand Ban.

Les deux voisins sont lovés dans un creux de montagne, comme suspendus au plus près du ciel. Le col des Rochilles nous offre un panorama rêvé, entre lacs et sommets. Le spectacle est total, avec en toile de fond les Aiguilles d’Arves – du moins une partie – et en guest stars des chasseurs alpins en pleine session d’escalade, dont les silhouettes se détachaient sur la croupe d’une montagne voisine.

Voilà, je crois qu’on a fait le tour ! Le temps est venu de retourner à nos pénates, retrouver les dalles rougies de la tourbière, la main de Crépin et notre navette au parking Laval, qui a le chic de passer tous les quarts d’heure (un luxe !). Peu après les Drayères, on bifurquera cette fois à droite, traversant la Clarée pour nous offrir d’autres points de vue, alors que la lumière commençait à décliner tranquillement. Une dernière traversée de ruisseau un peu hasardeuse (sur un tronc d’arbre) et c’est déjà Laval.

La rando en quelques chiffres

Tu trouveras un récap quasi similaire au parcours que j’ai effectué ici sur Visorando (nous on n’a pas fait le tour du lac Rond mais on a poursuivi jusqu’au col des Rochilles avant de faire le chemin en sens inverse).

Distance : 13,44 km
Durée moyenne : 5h10
Dénivelé positif : 465 m

Pour les amateurs et amatrices, sache qu’il existe également une rando te permettant de longer la Clarée entre le village de Névache et les chalets de Laval. Une marche essentiellement en sous-bois qui te fera découvrir les hameaux et chalets d’alpages qui s’égrènent tout au long de la vallée ainsi que la magnifique cascade de Fontcouverte. Si ça t’intéresse, tu trouveras ici le descriptif sur Visorando.

Cet article s’inscrit dans le RDV mensuel #EnFranceAussi initié par Sylvie, du blog Le coin des voyageurs. Le principe est simple : te faire (re)découvrir la France à travers un thème donné. Ce mois-ci, c’est le thème « Des lacs et des montanes » qui est à l’honneur, piloté par Virginie du blog  Les aventures d’Arthur et Thibaut. Tu trouveras les autres billets rédigés par mes camarades blogueurs et blogueuses sur cette carte :

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