Causses toujours !

Tout est parti d’un film. C’est en restant ébahie devant les paysages âpres et sauvages de Saint-Jacques… La Mecque que l’idée a germé. Retrouver à tout prix des décors naturels semblables à ceux du film. Bon sang mais c’est bien sûr, ces prairies d’altitude jaunies par le manque d’eau, ces douces ondulations peuplées de brebis et de forêts de conifères, cette impression dépaysante de se trouver au milieu des steppes d’Asie centrale… les Causses ! Joie et bonne humeur, notre prochaine destination estivale était toute trouvée.

Comme un air d’Asie centrale sur le Causse Méjean

Avec mon binôme de vacances (ma meilleure amie), on avait convenu que l’on se retrouverait en gare de Gourdon. C’est ainsi qu’un jour d’août 2014, je me suis installée à nouveau dans ce Paris-Toulouse dont j’avais maintes fois usé les fauteuils. La fin du trajet se fera en voiture jusqu’à un hameau miniature situé en plein cœur du causse Méjean. Dix habitants seulement en période de pointe (autrement c’est six), une poignée de maisons, et on n’a même pas été foutus de trouver notre gîte du premier coup ! Finalement repérées par un voisin vigilant, on s’apprête à poser nos valises dans une maisonnette au bon goût de paradis. L’accueil est chaleureux, la maison, cosy mais fraîche.

A l’approche de Mas-de-Val

« Il souffle sur cette terre un léger souffle de rébellion et d’anti-conformisme. »

Pas un poil de réseau pour prévenir maman que je suis bien arrivée. Si tu veux des vacances avec option déconnexion, c’est ici que ça se passe. Naïve, je pensais qu’on captait bien sur les plateaux bien dégagés, et mal au creux des gorges. C’est tout l’inverse ! On attendra demain pour prévenir, c’est jour de marché à Florac.

Les douces ondulations du causse Méjean

Cette première escapade vers la « petite ville du coin » nous donne déjà un bel aperçu de ce que sera notre semaine : des paysages spectaculaires, une bouffée de nature et des villages archi mignons. On passe violemment des routes douces et sinueuses des hauts plateaux aux virages en épingle à cheveu qui relient à la civilisation. On n’imagine même pas la rudesse de la vie ici, en plein hiver, quand la neige et le blizzard auront envahi ces grands espaces. Alors on se dit que, forcément, un climat et un relief pareils, ça doit forger le caractère des Caussenards !

Sans transition, on bascule des hauts plateaux aux gorges profondes

Les régions isolées sont souvent propices à l’indépendance d’esprit. C’est un trait de caractère particulièrement marqué dans ce petit coin de Massif central. Il souffle sur cette terre un léger souffle de rébellion et d’anti-conformisme. Les Causses, c’est d’abord une terre protestante, où les temples concurrencent les églises. C’est aussi le pays du « volem viure al païs », slogan bravache qui rejettera l’installation d’un camp militaire en lieu et place de terres agricoles, du côté de Millau. Ici plus qu’ailleurs, on affirme sa volonté de vivre sans fioritures, dans la simplicité d’un territoire marqué par un climat féroce et une nature spectaculaire.

Sobriété et minimalisme dans le temple octogonal de Meyrueis

On avait choisi le Causse Méjean pour sa nature rugueuse et théâtrale à la fois, et pour sa position centrale (après-tout, c’est bien le sens du terme « Méjean » en occitan). On n’a pas été déçues. Là-haut, sur cette drôle d’île terrestre aux faux airs de Mongolie, séparée des causses voisins par de profondes balafres creusées par les eaux tumultueuses du Tarn et de la Jonte, le dépaysement est total.

Chaos rocheux de Nîmes-le-Vieux

Dépaysement devant la beauté sauvage du chaos rocheux de Nîmes-le-Vieux, où Goliath semble avoir disséminé dans la lande les cailloux qui se trouvaient dans ses chaussures. Dépaysement devant le vol majestueux des vautours au-dessus de nos têtes au rocher de Capluc, ajoutant des chorégraphies tournoyantes au panorama grandiose. Dépaysement aussi devant les stalactites, stalagmites et autres concrétions calcaires bizarres de l’Aven Armand ou de la grotte de Dargilan.

Grotte de Dargilan
Grotte de Dargilan

On est ici dans le no man’s land de la France, la capitale indécrottable de la « diagonale du vide ».

Méjean, c’est la promesse d’un pays de contrastes, qui oscille entre la douceur des herbes folles et la rugosité des reliefs. Un pays tout entier forgé par l’eau, sa violence et son absence. Difficile de voir dans ses abymes et ses crevasses l’œuvre de simples torrents de montagne aujourd’hui terrain de jeu des kayakistes. Improbable de penser les efforts surhumains qu’il faut aux paysans du coin pour abreuver leurs bêtes et irriguer leurs champs dans ce pays où l’eau s’enfuit dans les profondeurs de la terre.

J’ai retrouvé avec plaisir mes gorges préférées, celles du Tarn, et le charme de ses villages qui en ponctuent le cours, comme La Malène et Sainte-Enimie. J’ai découvert celles de la Jonte et la petite cité tranquille de Meyrueis. J’ai arpenté avec plaisir les allées du marché de Florac, sous-préfecture de poche au pied des murailles vertigineuses qui la séparent des hauts plateaux du causse. J’ai marché sur les sentiers du Méjean comme des alentours (j’avoue, on lui a fait quelques infidélités en partant balader du côté du Larzac et du Mont Aigoual). J’ai respiré à pleins poumons l’air vif de ces hauts plateaux fleuris d’ajoncs et de bruyères. J’ai surtout mesuré ma chance de profiter d’une nature sauvage et préservée, où l’œuvre de l’homme demeure encore très discrète.

Le charme de Sainte-Enimie

On est ici dans le no man’s land de la France, la capitale indécrottable de la « diagonale du vide ». Le causse Méjean, c’est la densité humaine la plus faible du pays. Alors cette semaine à Mas-de-Val, c’était un peu notre « Into the wild » à nous, l’aventure en moins. La joie de s’arrêter en bord de route et d’écouter le silence. La joie de porter un regard à 360 degrés et de ne croiser que le regard de quelques rapaces. Un ressourcement total, au plus près d’une nature forte. Là-haut, loin des riantes façades colorées du vieux Mende, les austères maisons caussenardes, murs épais et pierres du bas jusqu’en haut, font corps avec le paysage et ont lancé l’opération camouflage. La fraîcheur humide de leur intérieur contraste avec la chaleur humaine de leurs occupants. « Et allez donc cueillir quelques brins de lavande dans le petit champ de la voisine, cela ne lui pose pas de problèmes » nous dira le propriétaire de notre gîte.

Voilà, on finira notre séjour dans des senteurs de Provence et un apéro gargantuesque pris là, sur la petite table placée devant l’entrée de notre maisonnette, en se remémorant pour longtemps les paysages merveilleux de cette contrée oubliée.

Cet article s’inscrit dans le rendez-vous mensuel #EnFranceAussi, initié par Sylvie, du blog Le coin des voyageurs. Ce mois-ci, c’est Mitchka, du blog Fish and Child, qui nous invite à vous emmener « en pleine nature ».

Retrouve toutes les contributions #enFranceAussi des collègues blogueurs / blogueuses sur cette carte :

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22 commentaires sur “Causses toujours !

  1. Une région que je connais bien et que j’adore ! La Lozère est un véritable paradis naturel, où l’on se sent loin de tout, dans ce département qui est le moins peuplé de France. Merci pour ce partage dépaysant !

    1. Complètement ! Il y a une grande variété de paysages, entre les gorges et les hauts plateaux (je raconterai plus tard une rando qui permet de voir les deux à la fois).

  2. Ça a l’air vraiment superbe ! Je connais les Causes un peu plus à l’ouest, côté Aveyron et Lot, et comme tu dis c’est une nature qui doit forger le caractère ! Mais quand on veut être en pleine nature, c’est l’idéal. Il faut vraiment qu’on découvre plus la Lozère, ça fait longtemps qu’on y pense. Merci pour cette belle balade.

    1. La Lozère c’est magnifique ! La destination idéale pour se reconnecter avec la nature. Mon seul regret c’est de ne pas avoir croisé le chemin des chevaux de Przewalski.

  3. J’aimerais beaucoup découvrir ce secteur, c’est « vide », je vais adorer ! 😀
    Les paysages sont sublimes, pas de réseau, très bien, ça permet de se déconnecter et de profiter de son séjour ! 🙂

    1. Ça fait un bien fou de se déconnecter. En plus notre gîte n’avait pas la télé donc on était sur des soirées Scrabble ! Les Causses, c’est vraiment une région magnifique. J’y retournerais avec grand plaisir.

  4. Merci pour cette jolie balade dans les Causses qui me replonge dans mes souvenirs de vacances en Lozère… il faudrait que j’y retourne à l’occasion, d’ailleurs !

  5. Notre choix pour les vacances d’avril, je croise les doigts qu’on puisse y aller ! En tout cas tu m’as donné encore plus envie !

  6. J’aime toujours te lire, mais je crois que j’aime tout particulièrement cet article. J’adore la justesse du ton et le souffle de liberté de ces grands espaces sublimes qui s’engouffre dans cet article. Il est si bien écrit, si agréable à lire. Et peut-être est-ce que j’aime à la folie ce coin de France, et que j’ai toujours plaisir à y retourner en pensée…

    1. Merci pour ton commentaire qui me fait chaud au cœur. J’ai eu un vrai coup de foudre pour cette région si sauvage. Un séjour total déconnexion, sans téléphone portable ni télévision, ça fait un bien fou !

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