Very bad [road] trip

« Soyez fiers d’être des amateurs » comme disait l’autre ! Assurément, ce mantra jupitérien devait s’inspirer de ce mémorable raté qui hante encore nos discussions de randonneuses de pacotille.

Mon road trip à moi ne comporte ni vanlife, ni cheveux au vent, et encore moins de pieds en éventail dépassant négligemment du rebord de la fenêtre de la voiture, comme toutes ces photos qui « envoient du rêve », avec la tenue chic et la lumière parfaite en prime. Et pour cause ! N’ayant ni voiture ni vélo et encore moins de van, c’est à pied que se déroule ce very bad [road] trip. Après tout, les piétons aussi peuvent emprunter la route ! D’ailleurs, ce n’était pas vraiment notre plan initial, d’abord parce que ce n’est pas l’idée que l’on se fait d’une rando, et ensuite parce que le macadam est probablement le dernier des revêtements qui viendrait à l’esprit pour une belle balade.

Jusqu’ici tout allait bien…

On avait prévu une journée un peu « off », une simple boucle qui ne devait durer qu’une paire d’heures selon mes estimations au doigt mouillé (ou plutôt au doigt utilisé comme règle sur la carte IGN TOP25). Normalement, si les calculs sont bons, on devrait être rentrées au gîte pour 13h30. Pas la peine de préparer le sandwich et de prévoir la dose de barres céréales, ni de se charger d’une trop grande quantité d’eau. Sauf que les calculs n’étaient pas bons Kévin ! A l’heure même où l’on aurait dû rentrer la clé dans la serrure de la porte d’entrée du gîte, on franchissait le seuil de ce petit resto providentiel d’Eyguians. La faim l’avait emportée sur notre plan initial de rentrer au gîte.

La chaleur et le poids des tourtons dans l’estomac aidant, on n’a pas eu le courage de remonter sur les hauteurs pour faire le chemin en sens inverse. S’ensuit la recherche désespérée d’une gare inexistante, puis l’attente assises sur le rebord d’une fontaine avant d’avoir l’idée lumineuse de vérifier les horaires de car histoire de constater qu’il fallait encore patienter deux ou trois heures. Nous sommes maintenant condamnées à rentrer à pied, et pour varier les plaisirs, décision fut prise de passer par cette petite route sûrement délaissée par la foule qui nous laisserait pépères en termes de dénivelé.

Le village perché de Lagrand marque le début de notre calvaire
L’arrivée est proche. Enfin c’est ce qu’on croit à ce moment ! Mais il faudra encore faire une belle boucle pour traverser le Buëch et rallier Laragne, où se trouve notre gîte.

La mort dans l’âme, nous voilà embarquées au plus chaud de la journée sur un trottoir désert, qui se transformera quelques hectomètres plus loin en un bas-côté de route départementale. Plus de 10 kilomètres de souffrance et de sueur collée au front pour rallier notre gîte laragnais, dont on se disait qu’on avait bien fait de le choisir avec piscine. 10 kilomètres à avaler le macadam collant aux chaussures sous l’effet de cette chaleur moite et de ce ciel pesant, sans vraiment rencontrer d’ombrages. 10 kilomètres à ruminer sur notre erreur de débutantes entre les alignements de pommiers, les champs d’hysope et les rangées bien ordonnées de ces drôles de cultures que mes collègues agronomes identifieront plus tard comme étant du sorgho. On en a bavé, on a beaucoup juré, mais on y est arrivé ! Reste que cette « rando de l’enfer » comme on l’appelle encore aujourd’hui demeure gravée dans nos mémoires. De la balade tranquille de 8 kilomètres en 2 heures, nous sommes passées à un calvaire d’un peu moins de 20 kilomètres qui nous fera rentrer vers les 17h30. Aux oubliettes le Vieil Eyguians, village abandonné et principal motif de notre sortie ; nous ce qu’on retiendra, c’est cette interminable galère dans laquelle on s’est fourré sur un trop-plein de confiance en un simple doigt reporté méthodiquement sur le tracé rose d’une carte IGN.

Si le cœur t’en dit (et dans l’hypothèse que l’asphalte n’ait pas été refait depuis 2009), tu peux partir à la recherche des empreintes de mes vieilles grolles (paix à leur âme) dans le macadam surchauffé de la RD330, quelque part en contrebas de Saléon.

Comme ce petit escargot, voilà à quoi nous avons rêvé tout au long de notre calvaire pédestre sur la RD330

Cet article s’inscrit dans le RDV mensuel #EnFranceAussi initié par Sylvie, du blog Le coin des voyageurs. Le principe est simple : te faire (re)découvrir la France à travers un thème donné. Ce mois-ci, Inès, du blog  Les Millet du 62 , nous invite à prendre la route. Tu trouveras les autres articles du mois sur cette carte :

7 commentaires sur “Very bad [road] trip

  1. Maintenant on en rigole… quoi que ! Je vous ai épargné la photo de ma binôme qui n’était pas vraiment contente que je lui tire le portrait au milieu du flot continu de jurons qui sortait de nos bouches respectives.

  2. Ha, ça me rappelle la fois où on a commencé une balade en Italie, dans des collines près de Padoue. Il y avait un sentier balisé… et quand les balises se sont arrêtées, au lieu de faire demi-tour par le même chemin, on a improvisé la suite et évidemment ça s’est terminé en calvaire sur la route sous un soleil de plomb, avec notre vieux chien qui trainait de la patte !! Ces moments-là font aussi (rétrospectivement) le charme du voyage !

  3. Haha on connait tous quelqu’un qui calcule comme ça: “ça va être facile”, “c’est pas loin” et ça se termine en des kilomètres de galère. Je suis cette personne !! On en rigole après, mais sur le coup.

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