Chemin Luzarraga

Se balader dans un cimetière ? Quelle drôle d’idée ! Et pourtant… Certains sont de véritables monuments à part entière. Une véritable attraction touristique même. Le Père Lachaise est de ceux-là. Avec ses célébrités, ses monuments funéraires anciens et ses allées pavées à l’ombre des arbres, il fait figure de havre de verdure propice à une belle balade romantique. Pourtant, on enterre encore au Père Lachaise. Curieux contraste entre les convois funéraires et les touristes en goguette, appareils photo autour du cou.

Chemin Luzarraga. A l’évocation de ton nom, mon esprit s’évade. Je pense à ces chants puissants qui célèbrent la convivialité. Je pense à ces maisons blanches aux colombages couleur sang-de-bœuf qui s’éparpillent dans de douces ondulations vert pomme. Je pense à ces exercices de force et d’agilité face au fronton du village. Je pense à la Rhune et son panorama inoubliable sur le long ruban de côte qui finit par disparaître à l’horizon. Pourtant…

Ces derniers temps, on est retournés un peu trop souvent chemin Luzarraga. A chaque visite, c’est toujours la même chose. On avance à pas feutrés dans cette allée en pente douce bordée de demeures toutes plus belles les unes que les autres. Tiens, une célébrité s’est installée ici, pas très loin de chez nous !

La villa familiale parait bien « neuve » face à ces merveilles de pierre et de ciment. Trop classique, trop clinquante malgré sa sobriété apparente. Mais bon, elle est spacieuse alors on ne va pas faire la fine bouche. La porte de la maison est grande ouverte ; un nouveau pensionnaire est sur le point de s’y installer. On se remémore les bons moments, quelques anecdotes croustillantes, on passe un dernier air de musique et on finit par se dire au revoir pour de bon, là, sur le pas de cette porte qu’on s’apprête à refermer, si possible pour une longue durée. Et toutes les belles douceurs d’Euskadi n’y feront rien ; ce jeu macabre, par élimination, finira dans les larmes.

Au bout du chemin Luzarraga, c’est la grande avenue circulaire. Encore un peu sonnés par ces dernières salutations, on remarque à peine les badauds venus admirer les belles demeures. Il faut dire que le quartier est particulièrement bien fréquenté. Combien de stars, de poètes, de chanteurs, de musiciens ou de grands hommes d’Etat ont élu domicile ici ! Comme je les comprends ! Le quartier est plutôt agréable avec ses reliefs qui ménagent quelques jolies vues sur la ville, ses grands arbres et ses allées pavées. C’est calme et romantique à souhait et ça invite grandement à la flânerie. On resterait même des heures à se perdre dans ce dédale de pierres et de verts, juste pour observer les moindres détails, curiosités et autres facéties que l’on peut trouver sur chacun de ses monuments.

C’est ça le Père Lachaise. Un contraste saisissant entre la légèreté d’un touriste en goguette, appareil photo autour du cou, et l’ambiance pesante d’un convoi funéraire. Pendant que les uns enterrent, les autres assouvissent leur soif de découverte. Sentiment étrange que de voir l’intimité d’une famille en deuil quelque peu troublée par l’enthousiasme compréhensible de visiteurs comblés d’arpenter les allées de ce joyau parisien, fût-il un royaume des morts. Ce drôle de contraste, je le vois comme un symbole. Life is going on, malgré nos peines et nos douleurs.

La fin du premier confinement nous avait laissé le privilège d’un Père Lachaise rien que pour nous. Le Dio vi salvi Regina résonnait dans un cimetière parisien totalement vide. Ça claque comme dernier hommage non ? Je suis sûre que tu aurais ri avec nous à l’idée de savoir que celui qui te portait en terre venait de la même terre que toi. Les mois ont passé, le cimetière a rouvert ses portes à tous, redevenant ce monument parisien que l’on visite au même titre que l’Arc de Triomphe ou la Tour Eiffel. Mais pour nous, le père Lachaise, ce n’est pas juste un monument. C’est aussi et surtout un lieu de recueillement.

Cet article s’inscrit dans le RDV mensuel #EnFranceAussi initié par Sylvie, du blog Le coin des voyageurs. Le principe est simple : te faire (re)découvrir la France à travers un thème donné. Ce mois-ci, c’est Audrey, du blog Arpenter le chemin, qui nous propose une balade dans les cimetières. Tu trouveras prochainement les autres billets rédigés par mes camarades blogueurs et blogueuses sur cette carte : (coming soon)

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15 commentaires sur “Chemin Luzarraga

  1. Très bel article. En tant que taphophile, il est toujours délicat de se balader dans un cimetière en extase devant les tombes alors que des gens pleurent un de leurs proches, j’essaie de montrer patte blanche mais on n’est jamais à l’abri de sembler irrespectueux.

    Je t’envoie des pensées pour les proches que tu as perdus récemment. J’espère qu’ils/elles aimaient la compagnie et l’animation, et apprécieront l’ambiance au Père-Lachaise.

    1. Merci Audrey, pour l’avoir vécu côté « famille endeuillée », je n’ai jamais senti de gêne particulière, on sait bien que le Père Lachaise est aussi une attraction touristique. Après, il y a rarement des visiteurs dans notre allée, ça doit aider. Je n’ose imaginer ce que donnerait une cérémonie dans une tombe très proche d’une célébrité.

    1. Merci Anne, je n’ai pas eu le temps de faire un tour complet et n’ai pas vu Jim Morrison. En revanche, la tombe d’Alain Bashung couverte de bisous au rouge à lèvres m’a fait sourire ! Mon père cherchait désespérément la tombe de Kenneth Clark sans succès. Une autre fois peut-être !

  2. Ce qui est vraiment sympa avec le Père Lachaise, c’est qu’il est si grand qu’on découvre toujours et encore des coins intéressants. Et pour les photos, l’automne est la meilleure saison. Merci pour la visite !

  3. Je n’aime pas visiter les cimetières pour ce que tu soulèves exactement, ce contraste, que de mon côté je trouve très gênant. Il y a quelques années lors d’un séjour parisien, une amie avait tenu absolument à ce qu’on aille au Père Lachaise, où justement il y avait un enterrement, je m’étais sentie tellement pas à ma place …
    Ceci étant dit, ton article est très touchant. Merci pour ce beau texte !

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