[Railtrip] La France en slow motion

Des Hauts-de France à la Corse par les plus belles lignes de train de France.

Cette année-là, le trajet des vacances a pris une toute autre dimension. Il était l’objet même des vacances. Une inspiration fugace venue d’un simple tweet affublé (merci @CEVENOL_TRAIN, vraiment !) de quatre photos, tombé par hasard dans mon fil d’actus. Coup de cœur virtuel immédiat. En quelques secondes, j’avais une certitude : ma transhumance estivale vers la Corse passerait par le Cévenol. Cette ligne de train mythique traverse à rythme lent le Massif central, avec en point d’orgue les discrètes gorges de l’Allier.

Très vite, la thématique s’imposait : 2019 sera l’année du train, avec une prédilection pour les lignes parmi les plus belles de France. Cette fois, ce sont les trajets qui m’ont imposé les villes étapes, et non l’inverse.

1re étape : cap sur Clermont-Ferrand

Vendredi 2 août 2019, 9h45 : le grand départ. Le railtrip devait forcément commencer par une ligne familière, celle qui mène à Paris. Il fait grand beau et les TER Hauts-de-France est loin d’être bondé. Pour mon grand voyage vers le sud, la SNCF m’avait donné rendez-vous à la gare de Bercy. Une allure de gare de ville moyenne de province et un petit jardinet ombragé – parfait pour la pause sandwich.

Railtrip_la_France_en_slow_motion_1

A vrai dire, cette première étape n’était pas la plus excitante. Les grandes plaines agricoles sans relief restent pour moi le degré zéro du paysage enthousiasmant. Dans ma tête, mon « vrai » voyage ne débutait qu’à Clermont-Ferrand, et tant pis pour ce premier tronçon champêtre ! Et puis finalement, on se laisse happer par un triptyque en jaune vert et bleu qui nous poursuit tout au long du trajet.

Les immenses champs de blé que j’imaginais à perte de vue gardent tout de même une large place aux forêts, notamment vers Fontainebleau et en Puisaye. L’eau apparaît en pointillés mais à intervalles réguliers, sous forme d’étangs dans le Gâtinais, de canaux, de fleuves et de rivières. On y rencontre pêle-mêle la Seine, le Loing, la Loire et, pour la première fois, l’Allier, qui sera la star de la deuxième étape.

La vaste plaine de la Limagne annonce les premiers contreforts du Massif central. Enfin les premiers volcans de la chaîne des Puys. Puis vient la silhouette si caractéristique du Puy-de-Dôme. Clermont est déjà là, à ses pieds. Bref, la ligne Paris-Clermont offre un panel de paysages suffisamment varié pour lever régulièrement le nez du livre.

Railtrip_la_France_en_slow_motion_2
Salut Clermont-Ferrand !

La prochaine étape du voyage est prévue trois jours plus tard. Cela me laisse deux jours pleins pour découvrir la capitale auvergnate.

2e étape : de Clermont-Ferrand à Arles via le Cévenol

Lundi 5 août 2019, 12h30. Le grand jour. Je voulais être en avance pour pouvoir me trouver une place de choix – entendre coté fenêtre – dans ce petit TER de deux voitures. J’avais repéré au préalable le parcours de la voie ferrée pour choisir le bon côté. Je me suis installée « à tribord », sur ce côté droit du train qui devait m’assurer les meilleurs points de vue sur les gorges de l’Allier. C’était sans compter les deux septuagénaires habituées de la ligne qui baissaient notre rideau commun au fur et à mesure que le soleil descendait. Heureusement, elles avaient laissé suffisamment de jour pour que je puisse profiter du paysage, quoiqu’un peu contorsionnée sur mon siège.

Railtrip_la_France_en_slow_motion_3
Ma monture pour les prochaines heures

J’ai passé l’essentiel de mes cinq heures et quelques de trajet le nez collé à la vitre et les deux mains agrippées à mon Canon, pour ne pas en manquer une miette. Les 303 kilomètres qui séparent Clermont-Ferrand de Nîmes sont parcourus à rythme lent, pas plus de 60km/h en moyenne. Le Cévenol prend son temps parce qu’il danse la valse avec l’Allier. Sur des dizaines et des dizaines de kilomètres, la voie ferrée flirte avec une rivière qui serpente au milieu des pentes boisées d’Auvergne et d’Occitanie, ne s’en éloignant qu’à de rares occasions, qui pour rallier une gare voisine, qui pour couper l’un des nombreux méandres.

Railtrip_la_France_en_slow_motion_4

Entre Langeac et Langogne, l’Allier s’engonce dans sa haute vallée, étroite et tournicotante. Sur ce tronçon, le plus spectaculaire de la ligne, le Cévenol nous joue le grand jeu. Une rivière paisible, riche en saumons (fierté gastronomique de ce joli coin de France), entourée de forêts et de roches basaltiques. Hormis quelques villages de poche au charme certain, on traverse un no man’s land qui n’est pas pour me déplaire. Même les voitures ont été bien souvent boutées hors des gorges, nous réservant à nous autres, adeptes du train, l’exclusivité de ces panoramas.

Railtrip_la_France_en_slow_motion_5

Railtrip_la_France_en_slow_motion_6

La ligne des Cévennes ne se contente pas de longer l’Allier. Elle le traverse, souvent, comme pour nous faire profiter encore plus. Au cœur des gorges, pas moins de 16 viaducs et une bonne cinquantaine de tunnels ponctuent ce voyage pittoresque. Après Langogne, le paysage s’adoucit et la vallée s’élargit. On glisse tranquillement vers le sud, non sans profiter une dernière fois des beautés de ce parcours, comme le lac de Villefort, que seul ce train a le privilège de traverser via un pont, ou encore le viaduc de Chamborigaud, qui domine de plus de 46 mètres les contreforts des Cévennes.

Railtrip_la_France_en_slow_motion_8

Le trajet du Cévenol s’achève dans l’étonnante gare de Nîmes, installée en grande partie sous les voies et peuplée d’une forêt d’arches en pierres du plus bel effet. Pour moi, le voyage n’est pas fini. Il me faut encore prendre un dernier train pour Arles, qui va m’accueillir pour les prochains jours. Une fois de plus, j’aurai deux journées pleines pour profiter des trésors antiques (mais pas que) de la capitale camarguaise.

Railtrip_la_France_en_slow_motion_7
Le charme des petites lignes oubliées

3e étape : d’Arles à Nice, sur les traces de l’ancien Train bleu

Jeudi 8 août 2019, 11h. Pas de train dispo pour rallier la gare TGV d’Avignon, il va falloir prendre le car. Tout de suite, ça rallonge pas mal le temps de parcours. Après un Intercités et un TER, au tour du TGV d’entrer dans la danse. Qu’importe le train, ce qui compte dans cette quête estivale, c’est la beauté des paysages traversés. Et on peut dire que sur cette ligne qui traverse la Provence d’ouest en est, on est servi !

C’est en gare d’Avignon que me rejoint mon binôme, après que j’ai passé les deux premières étapes en solo. Le soleil écrase le quai de la gare à l’architecture futuriste d’Avignon TGV. Seule sous mon repère, j’aperçois déjà le train à grande vitesse en approche. Deux trains couplés ; pas de bol, ma meilleure amie se trouve dans l’autre, les retrouvailles s’effectueront en gare de Nice. Si le sort me prive du côté fenêtre, je mesure ma chance d’être placée « du bon côté » – le droit – pour profiter des plus belles vue mer. Pas suffisant néanmoins pour prendre des photos discrétos à l’insu de mon voisin. Bref, tu te contenteras du récit pour apprécier le paysage.

Railtrip_la_France_en_slow_motion_9
Avignon, ici Avignon. 5 minutes d’arrêt !

L’arrivée à Marseille me gratifie de la première vue sur mer depuis mon départ, après déjà six jours de vadrouille entre escales et voies ferrées, quand la plupart des vacanciers n’auront mis que trois heures à peine depuis la capitale. La vitesse du TGV me bouscule un peu dans le train-train de lenteur auquel je m’étais bien vite habituée. Derrière la fenêtre, les paysages provençaux défilent trop vite. On a quand même le temps de distinguer pêle-mêle les belles pinèdes et les alignements bien sages des vignobles du Var, promesses d’apéros futurs au rosé. La Provence se révèle sous sa plus belle lumière, ne manque que le chant des cigales pour compléter le tableau.

Saint-Raphaël annonce l’entrée dans le massif de l’Estérel. C’est là, dans ce décor de roches écarlates, que l’on viendrait à regretter la lenteur du mythique Train bleu, qui traversait ces mêmes décors paradisiaques. A partir de maintenant, la Méditerranée devient la star du trajet. On passe de crique en crique dans un trio de rouge – vert – bleu éclatant. Chaque virage est attendu avec délectation pour découvrir un nouveau panorama de rêve. Puis le rouge s’estompe. A partir de Mandelieu, les petites criques intimistes laissent la place à de vastes plages de sable ou de galets, que la voie ferrée s’entête à longer. Au pied des rails, la plage !

Railtrip_la_France_en_slow_motion_10

4e étape : de Nice à Ajaccio via le Trinichellu, chi va pianu va sanu, chi va sanu va luntanu

Lundi 12 août 2019, temps maussade à Nice. Après avoir avalé un généreux plat de pâtes sur le port, il est temps pour nous d’embarquer vers la dernière étape de ce lent voyage. Le temps d’un après-midi, le railtrip se transforme en boattrip. Curieusement, nous nous retrouvons sur la liaison la plus rapide entre la Corse et le continent, un peu à rebrousse-poil de cette recherche de lenteur. Mais c’est pour mieux passer du temps dans le train !

Foi d’habituée, la bonne stratégie quand on fait la traversée de jour et sans installation, c’est de poser les bagages au plus vite à la consigne et rallier le solarium du pont arrière avant les autres. La chaise longue est une denrée rare et le stock a tôt fait d’être pris d’assaut. Si tu voyages avec un véhicule, n’y pense même pas, les « piétons » auront déjà raflé la mise (et oui, on embarque avant les motorisés). Dans cinq heures et demie à peine, nous serons à l’Ile-Rousse.

Railtrip_la_France_en_slow_motion_11

L’orage nous accueille en même temps que la pilotine et c’est sous une forte pluie que nous trouverons nos hôtes balanins. Le lendemain nous attend une longue journée de train, et je suis déjà excitée à l’idée de découvrir un nouveau tronçon du Trinichellu. J’avais déjà emprunté ce train il y a fort longtemps, sur sa partie la plus montagneuse. Cette fois, je me délecte à l’idée d’emprunter l’édition « tram-train » qui nous mènera à Calvi. Un sacré détour dans notre trajet vers Ajaccio, puisque nous devrons refaire le chemin en sens inverse. Pourquoi ce petit crochet me direz-vous ? Parce qu’entre l’Ile Rousse et Calvi, le Trinichellu s’éloigne rarement du rivage, ménageant des points de vue inoubliables sur les criques déchiquetées de Balagne. A l’approche de Calvi, le train finira carrément à-même le sable, directement sur la plage.

Railtrip_la_France_en_slow_motion_13

L’Ile Rousse – Calvi, c’est un peu le train des plages. Une desserte cadencée (l’une des premières en France) et des haltes très fréquentes pour permettre aux vacanciers de profiter de la Méditerranée tout en laissant la voiture au camping. Des arrêts facultatifs où les voyageurs souhaitant prendre le train sont tenus de faire signe au conducteur, comme s’ils montaient dans un banal bus de ville. Bref, un train atypique renforcé par l’âge avancé de certains de ses autorails (admire l’aspect vintage de cette merveille sur cette vue Google Maps) ! Alors, avec nos grosses valises et notre tenue de voyage, on fait un peu tache dans le décor. Au départ de l’Ile-Rousse, le train prend des airs de métro parisien à l’heure de pointe. Dans ces conditions, impossible de trouver une place assise. On trouvera refuge à côté du poste conducteur inutilisé. Par chance, la fenêtre ouverte côté conducteur nous donnera l’occasion de bien profiter du paysage, et notamment d’admirer la superbe citadelle de Calvi.

Railtrip_la_France_en_slow_motion_12

On avait quelques heures à tuer à Calvi. Armées de notre plus beau sourire, on parviendra à se délester de notre encombrant fardeau dans le resto-bar où on s’était installées pour prendre un verre et déjeuner. Go visiter la citadelle en suivant le parcours fléché de l’Office de tourisme. Là-haut, il est question de Christophe Colomb, de Jacques Higelin et de vues somptueuses sur la ville et toute la baie. C’est beau, mais il est déjà temps de repartir. On rejoint la petite gare terminus de Calvi 45 minutes avant le départ du train, histoire de pouvoir s’asseoir du bon côté. Si on réussit à rafler les dernières places assises, en revanche, c’est râpé pour la vue sur mer.

Railtrip_la_France_en_slow_motion_14

Cette fois, c’est un matériel moderne qui nous attend pour nos 5 dernières heures de train. Les 36 minutes qui nous séparent de l’Ile Rousse se font encore à plein, avec des vacanciers s’installant comme ils peuvent dans l’allée centrale. Comme prévu, le train lâche son flot de touristes à l’Ile Rousse. Un dernier passage à ras de plage puis, à peine sortis du bourg, un grand virage à droite. On jette un dernier regard vers la mer avant de s’enfoncer dans l’épais maquis corse, qui nous accompagnera tout au long du parcours.

Railtrip_la_France_en_slow_motion_15

La géologie tourmentée de la Corse impose au Trinichellu des tours et des détours, des virages plus ou moins serrés et des successions de tunnels. Des gares aussi minuscules que fatiguées s’enchaînent. Monticello. Belgodère (et son couvent). Palasca. On traverse un no man’s land, où l’on ne voit aucune trace humane ou presque sur des kilomètres. Le panorama s’élargit à mesure que l’on prend de l’altitude, ménageant de jolis points de vue sur une Balagne à la fois sauvage et agricole (on est au pays de l’huile d’olive). Mine de rien, on montera jusqu’à 500 mètres d’altitude avant de redescendre vers Ponte Leccia, où nous devrons prendre un autre train.

Railtrip_la_France_en_slow_motion_16

Ponte Leccia, c’est la capitale ferroviaire de l’île. Les Chemins de fer de la Corse ont fait de ce village le point central, d’où se croisent les trains vers Calvi, Ajaccio et Bastia. La trentaine de minutes de battement nous laisse le temps de prendre un rafraichissement salvateur. A 18 heures pétantes, c’est reparti ! Au programme, la partie la plus montagneuse de trajet, qui nous fera atteindre les 906 mètres d’altitude en gare de Vizzavona. Le profil des voyageurs a quelque peu changé. Des tongs-rabannes-parasols, nous sommes passés au triptyque short-sac-à-doc et chaussures de rando. Car le Trinichellu, c’est aussi un formidable moyen d’accéder au mythique GR20 sans voiture.

Railtrip_la_France_en_slow_motion_17

C’est entre Ponte Leccia et Corte que le caractère montagnard de la Corse s’affirme. Au loin on aperçoit émergeant des brumes de chaleur les sommets acérés du Haut-Asco, avec en point d’orgue le Monte Cinto, point culminant de l’île de Beauté. La citadelle de Corte – et son magnifique Musée de Corse – est déjà en ligne de mire. Le trajet devient carrément spectaculaire entre Venaco et Vivario. Le moment frisson, c’est le franchissement du viaduc du Vecchio, une œuvre signée Eiffel qui toise le torrent du haut de ses 84 mètres. Un ravin sublime comme la Corse sait offrir.

Railtrip_la_France_en_slow_motion_18

La forêt a désormais succédé au maquis. Tattone. Vizzavona. Ici, le paysage se fait alpin. Nous sommes au sommet de la ligne. Les randonneurs descendent ici, où, du refuge au bivouac voisin, tout rappelle la présence du GR20. Le Monte d’Oro n’est qu’à quelques heures de marche seulement. Nous laissons le col de Vizzavona aux voitures, nous, nous le franchissons sous un long tunnel d’un peu moins de 4km. La voie ferrée continue de serpenter dans une ambiance très verte, presque fraîche, au milieu des chênes verts et des châtaigniers. La nature à l’état pur. Le franchissement de quelques ravins nous autorise quelques vues pittoresques aux abords de Bocognano. Puis c’est la longue descente vers Ajaccio. Les températures qui se réchauffent, le retour du maquis, le relief qui s’adoucit. Les premiers bâtiments de la ville apparaissent. Et enfin la mer. Notre terminus n’est plus très loin…

Il est 20h35. Fin du voyage. C’était bien.

Railtrip_la_France_en_slow_motion_19

Tu as aimé cet article ? N’hésite pas à l’épingler sur Pinterest !

La France en slow motion - Canva

6 commentaires sur “[Railtrip] La France en slow motion

  1. Mille mercis pour ce voyage lent !!! J’ai sincèrement hâte d’emprunter ce trajet un jour, je sais pas quand ni comment, mais maintenant c’est bien ancré dans mon cerveau 🙂

Répondre à LaDiviaAnnuler la réponse.