Royan, laboratoire d’architectures du XXe siècle

Le destin de Royan bascula un 5 janvier. Peut-être faisait-il grand beau et grand froid, comme ce 5 janvier 2019. Mais ce jour-là, c’est une pluie féroce qui s’abattit sur l’élégante cité balnéaire charentaise. Une pluie de bombes. Nous sommes le 5 janvier 1945 et l’opération « Indépendance » vient de commencer. 2000 tonnes de bombes larguées par les alliés, plus de 500 victimes civiles, et 85% de la ville réduite à néant.

De cette cité martyre, l’Etat français a fait un laboratoire d’urbanisme et d’architecture moderne. C’est un architecte bordelais, Claude Ferret, qui sera en charge de la reconstruction, dans les années 1950. Lui et ses acolytes s’inspireront notamment de Niemeyer et Le Corbusier pour reconstruire. Du front de mer à l’église Notre-Dame, c’est tout le quartier de Foncillon qui renaît dans un grand camaïeu de béton.

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A l’époque, le nouveau visage de la ville choque les habitués du Royan d’avant-guerre, celui des élégantes villas début XXe si typiques des bords de mer. Un mélange de rejet et de fascination, comme peut connaître tout projet d’avant-garde. Aujourd’hui, Royan mêle les styles architecturaux avec un charme désuet. On passe sans transition des criques rocheuses entourées de villas de style balnéaire à Pontaillac au front de mer moderniste issu de la reconstruction. Et puis, le long de la Grande Conche, cette grande plage à la courbe parfaite, on termine par un méli-mélo de villas de styles divers et variés. Un vrai paradis pour les amoureux d’architecture vous dis-je !

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Sans le savoir, je découvre Royan 74 ans jour pour jour après l’enfer. Une journée d’hiver belle, froide. Une journée où les pieds sont glacés et les yeux écarquillés. Voici le récit de cette journée.

11h35 : le marché

J’adore les marchés. Les étals plus ou moins soignés, les habitués qui discutent au milieu des allées, les couleurs des fruits et légumes, ce geste familier du commerçant qui rend la monnaie, le brouhaha de la foule et, surtout, cette odeur alléchante de poulet rôti… Ici, on prend son temps, on discute des bons produits de la terre et du temps qu’il fait.

Celui de Royan se déroule chaque jour ou presque dans un cadre extraordinaire. Une halle toute ronde, avec un drôle de toit qui ondule. Un dôme de béton brut constellé de petites ouvertures pour laisser passer la lumière. Sous cette immense voûte qui tient d’un seul tenant, les étals offrent les produits au regard des badauds dans un bel ordonnancement concentrique. A l’époque de sa construction, c’est une véritable prouesse architecturale que de faire tenir cette immense structure sans un seul pilier !

Le marché est aujourd’hui classé monument historique et parmi les plus beaux de France.

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12h25 : l’église Notre-Dame

Il n’y avait pas meilleur emplacement pour cet imposant édifice, là, sur une hauteur qui domine Royan. Edifiée entre 1955 et 1958 en remplacement de l’ancienne, détruite par les bombardements, l’église impose ainsi sa silhouette singulière à l’ensemble de la ville. C’en est aujourd’hui son meilleur emblème. L’œuvre majeure de la reconstruction. Là encore, c’est du béton brut de décoffrage, sans chichis.

De loin, l’église Notre-Dame ressemble à la coque d’un vieux vaisseau, avec son clocher de 60 mètres en guise de figure de proue. A l’intérieur, l’édifice impressionne par sa conception et ses dimensions (42 mètres de long, 22 de large et 36 de haut). On se rend compte que la voûte – dont on apprend qu’elle fait 8 petits centimètres d’épaisseur seulement sur le panneau d’information à l’entrée – repose exclusivement sur de maigres piliers en V. L’architecte a même tiré parti du relief pour que le fidèle ou le curieux en prenne « plein la vue » dès son entrée via la porte principale, qui le place en position dominante (on accède au reste de l’église par un grand escalier).

Dommage, l’église prend l’eau dès sa conception et demeure très fragile. Des travaux de restauration sont actuellement en cours pour lui redonner une deuxième jeunesse.

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12h50 : le front de mer

On arrive au cœur du projet de reconstruction des années 1950 : le front de mer. Sur 600 mètres, cet ensemble architectural offre un style dépouillé qui a plutôt bien vieilli. Les deux longues façades blanches se parent de rouge pour donner une touche de gaieté. Devant, les toits ondulés des terrasses de restaurants et des extensions de magasins font penser aux vagues de l’océan qui rappellent le caractère balnéaire de la ville. Ensuite, du boulevard Thiers au Palais des Congrès, l’harmonie architecturale demeure avec un style toujours très fifties.

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13h15 : resto avec vue

Sur le front de mer, les terrasses de restaurants fermés pour la saison se succèdent et c’est un peu triste. On finit par trouver un peu de vie dans un resto qui affiche fièrement son estampille « maître restaurateur », juste au-dessus du port. Déco élégante, vue magnifique sur le port et la conche (surtout depuis le premier étage), du monde à l’intérieur… Bingo ! C’est ici, à la Siesta, que nous déjeunerons. Marc et Valérie Counil, les maîtres des lieux, proposent une cuisine simple mais goûteuse et maîtrisée, pour un prix raisonnable.

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15h20 : promenade le long de la Grande Conche

Le long de la Grande Conche, c’est le quartier du Parc. Par chance ou par miracle, celui-ci a moins souffert des bombardements que le reste de la ville puisque 85% du quartier a « survécu » au 5 janvier 1945. Ici, les styles architecturaux s’enchaînent radicalement. Les années 1950 cohabitent avec l’art déco, les maisons à tourelles façon châtelet voisinent des façades dépouillées de la fin XXe siècle. Le tout donne un sympathique méli-mélo qui rend la balade le long de la Grande Conche bien agréable.

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16h45 : coucher de soleil sur la côte de Beauté

Du casino de Pontaillac à Saint-Palais-sur-Mer, la géologie s’associe à l’architecture pour composer un paysage complètement différent. La côte se fait rocheuse. De conche en corniche, de villas début XXe en maisons basques, on profite d’une superbe promenade littorale. Pas le temps de parcourir à pieds cette fois-ci, le soleil commence vraiment à décliner. Mais on n’a pas pu s’empêcher de faire une dernière petite balade sur la corniche de Terre-Nègre, à Saint-Palais. Quelques photos des carrelets qui subsistent ici, le phare de Cordouan face à nous, et la journée est déjà finie.

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Une bien belle journée d’hiver sous un soleil éclatant, entre années 1950 et villas Art Déco.

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7 commentaires sur “Royan, laboratoire d’architectures du XXe siècle

  1. Un très bel article, on a l’habitude de s’arrêter à La Rochelle mais c’est vrai qu’on ne prend pas forcément le temps de faire un stop à Royan !

  2. Pour ma part, j’ai passé mes vacances non loin de Royan étant toute petite mais c’est vrai que c’est une ville que je n’ai jamais pris le temps de découvrir, merci pour l’aperçu 🙂

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